27.8.11

"elle se tenait bien raide, là, pas baisante du tout"

Pour une surprise, c'en fut une. À travers la brume, c’était tellement étonnant ce qu'on découvrait soudain que nous nous refusâmes d'abord à y croire et puis tout de même quand nous fûmes en plein devant les choses, tout galérien qu'on était on s'est mis à bien rigoler, en voyant ça, droit devant nous...


Figurez-vous qu’elle était debout leur ville, absolument droite. New York c'est une ville debout. On en avait déjà vu nous des villes bien sûr, et des belles encore, et des ports et des fameux mêmes. Mais chez nous, n'est-ce pas, elles sont couchées les villes, au bord de la mer ou sur les fleuves, elles s’allongent sur le paysage, elles attendent le voyageur, tandis que celle-là l’Américaine, elle ne se pâmait pas, non, elle se tenait bien raide, là, pas baisante du tout, raide à faire peur.

On en a donc rigolé comme des cornichons. Ça fait drôle forcément, une ville bâtie en raideur. Mais on n'en pouvait rigoler nous du spectacle qu'à partir du cou, à cause du froid qui venait du large pendant ce temps-là à travers une grosse brume grise et rose. et rapide et piquante à l’assaut de nos pantalons et des crevasses de cette muraille, les rues de la ville, où les nuages s'engouffraient aussi à la charge du vent. Notre galère tenait son mince sillon juste au ras des jetées, là où venait finir une eau caca, toute barbotante d'une kyrielle de petits bachots et remorqueurs avides et cornards.

Pour un miteux, il n'est jamais bien commode de débarquer de nulle part mais pour un galérien c’est encore bien pire, surtout que les gens d’Amérique n’aiment pas du tout les galériens qui viennent d’Europe. C’est tous des anarchistes » qu’ils disent. Ils ne veulent recevoir chez eux en somme que les curieux qui leur apportent du pognon, parce que tous les argents d’Europe, c’est des fils à Dollar.

J’aurais peut-être pu essayer, comme d'autres l’avait déjà réussi, de traverser le port à la nage et de me mettre à crier : « Vive Dollar ! Vive Dollar ! » C'est un truc. Y a bien des gens qui sont débarqués de cette façon-là et qui après ça on fait des fortunes. C'est pas sûr, ça se raconte seulement. Il en arrive dans les rêves des biens pires encore. Moi j'avais une autre combinaison en tête, en même temps que la fièvre.

Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit : L'arrivée à New York







franchement je n'ai jamais rien lu d'aussi juste sur NYC ni d'aussi actuel......
(partage de mon émotion du jour)

Bon week-end

ps : je réalise 10mn après avoir posté que le titre porte un peu à confusion....t'es déçu hein? ;)

16 commentaires:

  1. En voilà un joli texte. Je me languis de découvrir New York, New York un jour.
    J'avoue que ton titre il sent le cul/le sexe mais je ne suis pas déçue pour autant par l'article :-).

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  2. j'ai telmt ri en lisant ette phrase, je la trouve hallucinant de justesse que je voulais qu'elle ressorte plus que les autres, ce n'est qu'apres juré que je me suis rendu compte que ça puait le sexe à plein nez...tant pis pour les obsédés ;)))

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  3. Quand je lis le titre d'un post, je me plais à imaginer ce qu'il y a derrière. Et j'adore la surprise.
    Là, l'image qui est venue spontanément c'est la visite d'un musée, avec une statue qui fait peur.
    Donc bien loin finalement, et très contente de la surprise ;-)

    New-York qui se prépare à la tempête...

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  4. start spreading the news.......I'm leaving today......non, mais c'est juste et chouette. Bien vu.
    :D

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  5. Ton inconscient écrit du cul quand ton cerveau envoie de la poésie ??? Je crois que tout est dit ;)) !!
    Très beau texte, une envie folle d'y aller ...
    Bob

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  6. franchement dis moi quand tu lis ça "il n'est jamais bien commode de débarquer de nulle part mais pour un galérien c’est encore bien pire, surtout que les gens d’Amérique n’aiment pas du tout les galériens qui viennent d’Europe. C’est tous des anarchistes » qu’ils disent. Ils ne veulent recevoir chez eux en somme que les curieux qui leur apportent du pognon, parce que tous les argents d’Europe, c’est des fils à Dollar."
    t'as pas comme l'impression que ça vient d'être écrit hier, voir même aujourd'hui....j'adore cette ville mais j'avoue sans une thune, sans couille, sans ambition démesurée, t'es pas grand chose, limite transparent la-bas...

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  7. blonde : t'es pas si loin, la statue ça pourrait être "la liberté" finalement , droite limite effrayante...;)
    bob : tu es mon héros, tu voudrais pas remplacer Colombo?
    bises à Elo et karin

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  8. @ Roca : OK mais tu lui donnais combien à lui, que j'aligne mes tarifs !! ;)

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  9. (J'avais commencer à le lire, mais là il va falloir...! Merci !
    (Ps: En plus de mon inculture, si j'avais la vivacité d'esprit de Bob aussi... ! :))

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  10. Rhôôô ... Je vais rougir ;) !
    Bob

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  11. @Rocca : obsédés ? ha bon mais qui ? Des noms bordel ! Allez je te fais un bécot moi aussi.
    @Bob : "Ton inconscient écrit du cul quand ton cerveau envoie de la poésie" non mais ça va pas de me faire rire au réveil comme ça (oui je sais il est 12h50)
    Spéciale cacedédi musicale avec Georges Benson, New York, Broadway, tout ça, tout ça : http://www.youtube.com/watch?v=OsDGVQZEnPY.

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  12. Je l ai lu l an dernier le Voyage... probablement un des plus beaux passages dans un livre pas forcement evident a aborder...
    merci,
    Anonyme Amandine

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  13. deux courts séjours dans la grande pomme, il est certain qu'on ne peut jamais l'oublier, et surtout, toujours vouloir y retourner :)

    Elle est magique cette ville :D

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  14. "j'adore cette ville mais j'avoue sans une thune, sans couille, sans ambition démesurée, t'es pas grand chose, limite transparent la-bas..." ... limite transparent ... ... bah c'est précisément ce que j'aime tant là-bas. Cet anonyma qui, selon moi, rend tout possible en fait ...

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  15. ça dépend Rose citron, il me semble que l'anonymat pour certain peut-être très difficile à vivre aussi...mais je vois de quoi tu parles

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  16. ah putain Roca tu me tires presque les larmes des yeux avec cet extrait de mon roman préféré... j'avais oublié à quel point les mots de Céline me touchent...
    merci.

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