Cours Forrest ou comment devenir une droguée

Il y a 2 ans à cause de la crise cette truie (enfin elle a bon dos la crise mais la n'est pas le sujet) ma boite a fermé et je me suis retrouvée au chômage.
Quand tu as bossé dans une seule entreprise toute ta jeune vie (laisse moi dire "jeune" j'ai bon espoir qu'à force de le dire mes rides arrêtent de pousser), que ton expérience professionnelle est aussi linéaire que le tracé cardiaque de Balladur, c'est à dire que tu as débuté, grandi (pourri aussi) dans la même boîte pendant 15 ans, te retrouver avec une carte rose Pôle emploi c'est un peu comme quand tu as obtenu ta carte de fidélité chez Yves Rocher hein, ça fait peur, tu te demandes quoi en foutre.
En plus moi j'étais restée sur Anpe ET Assedic, la je découvrais Pôle emploi et le 2 en 1 c'est super classe, super tendance mais faut pas se leurrer c'est comme le dentifrice qui empêche les caries ET qui rend les dents blanches, ou la lessive qui nettoie ET qui retient les couleurs, ça marche pas, juste ça te nique le porte-monnaie, Pôle emploi pareil.
Bref 15 ans sans un nuage et d'un coup d'un seul adieu pointage (non je ne travaillais pas chez Peugeot) adieu espace social (nom glamour pour cafétéria) adieu pauses café, potins, prime de NOël, 13ème mois et j'en passe.
Bref encore (putain d'introduction qui n'en finit pas je vais retourner en 4eme avec mon fils pour apprendre à faire des dissert moi) j'avais 2 possibilités :
la dépression, non mais non merci, je connais déjà vous êtes sympa j'ai water-poney je passe mon tour
ou un substitut au choix, bouffe, bénévolat, sport ou sexe (mon mari a beaucoup misé sur le dernier)

J'ai choisi de courir (tant pis pour mon mari)
AHAHAHAHA non mais quelle belle plaisanterie!!
Je veux dire pour une ancienne asthmatique, dispensée de cours de sport depuis 1985, c'est comme demander à Beigbeder de sponsoriser Vittel
J'ai acheté ma première paire de basket, au bas mot 2h45 devant le rayon , un choix de pompes toutes plus moches les unes que les autres (Louboutin ne fait pas de basket c'est con)
Sans déconner vous êtes déjà allés au rayon Running chez Decathlon?
Il te faut d'abord trouver les réponses à quantité de questions existentielles et métaphysiques :
Vous courez un peu, beaucoup, souvent, à la folie? (pas du tout connard)
Vous courez sur la route, la terre, le sable? (sur le marbre connard)
Vous courez vite, pendant longtemps? (2h sur 1 jambe en arrière connard)
etc etc... tu pues des pieds? tu cours après le temps? tu courtepaille tu courchevel..
Et oui il existe autant de basket que de débiles pour les porter
Moi je sais acheter très très vite une paire de 12 (cm de talons) mais des baskets j'ai failli m'acheter un cerceau à la place (un cerveau aussi j'aurais pu mais y'en a pas chez Decathlon).

Me voila donc équipée, premier jour, pimpante, hyper motivée
1ere étape : Ne pas mourir
J'ai choisi de vivre, j'ai démarré sur le bord de mer (la Croisette of course) avec du bon son dans les oreilles (indispensable si tu veux pas écouter ta respiration de pervers et ton coeur décéder) après un petit déjeuner classique.
1ere erreur : avant de courir tu ne siffleras pas 3 tartines de Nutella, un jus d'orange et un café ou sur le pauvre retraité et son caniche blanc tu dégueuleras. ok ça c'est fait. On apprend qu'avec l'expérience non?
Oui à 9h du mat et dieu merci sur la Croisette tu ne croises que du vieux retraité, rarement Vincent Cassel. Tu m'imagines dégueuler sur Cassel ? (à part à une soirée murgée je veux dire)

2ème étape : Trouver son rythme.
J'ai cru parce que j'avais des chaussures de F1 aux pieds et une magnifique brassière qui te fait disparaître le nichon plus vite que l'éclair, que je pouvais lui éclater le score à Usain Bolt. Que nenni 2eme erreur : sur les chapeaux de roues tu éviteras de partir ou tes cuisses tu laisseras derrière toi, appelle ça la confiance du débutant...c'est surtout la frime de la cannoise en fait

3ème étape : S'étirer les muscles après.
J'ai toujours été une brèle de la souplesse, la prof de danse quand j'étais petite cette vicieuse croyait que je faisais exprès de ne pas toucher mes pieds ou de foirer le grand écart du coup elle adorait venir se coucher sur mon dos, je la soupçonne d'avoir fini sa carrière à Guantanamo . Forcement donc j'ai rapidement lâcher l'affaire après le jog, genre pfff ça sert à rien de s'étirer, même pas mal. 3eme erreur : des étirements tu feras après chaque course, ou comme Christopher Reeves tu finiras. Aujourd'hui je pleure toujours mes adducteurs que j'ai laissé quelque part sur le bord de mer un jour de grande confiance en moi, c'est un caniche blanc qui a du les trouver et les bouffer pour se venger.

4ème étape : trouver son parcours idéal
J'ai arrêté de courir sur la Croisette tous les petits vieux commençaient à me regarder méchant. J'ai également abandonné le bois à côté de chez moi depuis que l'enlèvement de joggeuse est devenu à la mode. J'ai préféré courir en ville, au bord de la route voir de la très grosse route. 4eme erreur mon ami : sur le bord de l'autoroute tu ne courras pas ou tes poumons par petits bouts tu récupéreras. Quand ton poumon est ouvert à fond le CO2 c'est un peu comme du poppers en pire

5eme étape : faire une playlist adaptée
Après 2 ans j'ai toujours pas fait de playlist spéciale jog, ce qui est totalement crétin parce que garder le même rythme entre Jamiroquai et l'Envie d'aimer des 10 commandements c'est pas évident, ou pire entre Rage against the Machine et Maurane c'est claquage assuré. Oui tu l'auras compris j'ai quelques morceaux de la honte dans mon ipod, je viens de faire mon coming out sur Maurane je sais pas si c'est une très bonne idée.

Après quelques mois de persévérance et d'humilité retrouvées, j'ai tenu bon et j'ai augmenté le score.
J'ai jamais persévéré dans la vie alors courir au delà de 3 fois, c'était plus qu'une victoire c'était comme si je venais de rouler une pelle à Brad Pitt, forcement après tu prends a confiance et tu cherches à en rouler une à George Clooney.
Je crois qu'on peut dire que je suis droguée, pas que j'aime ça hein, parce que pour aimer ça faut s'appeler Forrest tu peux pas aimer courir c'est impossible. Franchement au mieux tu as mal et tu pues, au pire tu as mal et tu pues, tu vois le gouffre entre les 2?
Mes running shoes et moi on est devenu inséparables partout ou je vais elles me suivent. Et c'est avec grande satisfaction que je les sors en Corse, à Copenhague, à Paris ou en Italie, en plus ce qui est bien c'est que tu croises toujours un autre coureur pour te comprendre et te faire un sourire, on est une grande famille, on se respecte entre barges.

En fait en résumé je suis juste dopée à la serotonine , for once in my life je suis devenue accro à quelque chose.
En dehors de la puteshoes je veux dire.

ça c'etait quand je courais encore sur la Croisette, t'as vu c'est pas degueu quand même comme piste? faut juste éviter les vieux et leur chien quoi!