RIP Nate Dogg et RIP le Hip Hop (je suis d'humeur maussade et alors?)

J'te préviens si t'ecoutes de la Pop ou du Rock, tu vas un peu te faire chier, mais t'as vu je suis commerçante je te le dis avant, histoire que tu me demandes pas un remboursement, je pense aussi que si t'as moins de 30 piges tu vas trouver mon histoire pathétique. Mais qui c'est qui commande ici hein?

Dans les années 80 grâce à 2, 3 potes bien rencardés j'ai (enfin) découvert un son qui allait me parler, parce que Nicole Croisille et Julien Clerc, j'avais beau aimer ma mère ça va 5 minutes. A la maison avec des frères et soeurs de presque 10 ans mes ainés j'avais baigné heureusement dans autre chose que Dorothée, on écoutait plutôt Police, Prince, Brassens, Gainsbourg ce qui en soi n'est pas trop mal tu avoueras mais j'avais l'impression de ne pas faire partie d'un groupe, d'un mouvement, comme si j'avais un peu le cul entre 2 chaises.

Bref je découvrais donc le Hip Hop et à travers lui Africa Bambaataa, Public Enemy, KRS One, Run DMC, NWA, Queen Latifah, Booya Tribe ou Dee Nasty et NTM en France... rapidement j'ai l'impression de faire partie d'un truc énorme, les idées, les valeurs, les revendications que je partage avec plein d'autres se retrouvent sur scène au bout d'un micro ou dans la rue sur un mur. Ce que je pense, d'autres l'utilisent pour faire bouger les choses et divertir. J'existe à travers et dans une culture à part entière, je vis les premières heures françaises d'un mouvement qui utilise comme étendard le respect, l'échange, la paix, la mixité bref un message politique et social et comme carburant des bombes de peinture, des beats (attention ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit), des boucles et des samples. Ce mouvement se propose tout simplement de réveiller les consciences. Putain de programme! Et quand tu as 16 ans, justement tu n'as qu'une envie c'est de te regrouper pour sortir les cons de leur esprit étriqué (Ouai et aussi piquer le logo étoilé sur les capots des Mercedes pour t'en faire des colliers)
Peinture, danse, musique choisis ton camp camarade! Pour chaque individu, chaque revendicateur il y a un outil adapté. Bientôt la diversité du Hip Hop devient son identité à part entière.
En plus evidemment rien de tel qu'un boyfriend DJ pour t'immerger dans le mouvement par les oreilles et par les pieds. Là où mon père défilait poing levé sur l'International, nous on dansait poing levé sur Grandmaster flash.

Alors tout naturellement quand en 1993, après avoir fait semblant de faire des études, il m'a semblé important pour mon futur de maîtriser la langue de Shakespeare (et particulièrement les "fuck off" "fuck you" "bullshit" "bastard"), j'ai décidé sur un coup tête de partir avec mon mec de l'époque, encore un DJ, direction la Californie.
J'ai habité presque 1 an à San Diego au moment où la côté Ouest était à l'apogée de son style Gangsta Rap, où on vivait l'âge d'or du rap West Coast grâce, entre autres, à Dre, Snoop, Tupac, Warren G and Nate Dogg. En bonne française naïve et un peu conne qui se respecte j'ai foutu les pieds dans des boîtes de nuit où je n'enverrais même pas mon vicelard de kiné aujourd'hui. Clientèle 100% black, on arrivait mon mec et moi casquette de travers sur la tête et baskets aux pieds et on se faisait tout naturellement refouler, question vestimentaire (casquette/baskets interdites) et je pense aussi un peu raciale (c'était juste après les émeutes de Watts). Tu te doutes vu ce que je t'ai raconté hier qu'il m'en aurait fallu plus pour abandonner, on retournait se changer, on revenait et on leur expliquait qu'on etait français et fan de leur musique. A la fin lassent et surtout curieux de voir si on allait se faire démonter la gueule ils nous laissaient entrer. Les yeux rivés au sol, un peu petits dans nos slips, on essayait de rivaliser sur la piste avec eux sans succès évidement et le videur avait fini par se faire une raison on ne se faisait jamais agresser, c'était même devenu notre deuxième maison.

Aujourd'hui presque 20 ans après quand on parle de bon Hip Hop, les gens utilisent le mot old school, preuve que le mouvement dans sa justification a cessé d'exister, je te rappelle qu'il était la pour innover, aller de l'avant et pas regarder le passé en versant une larme, c'est pourtant ce qui se passe et je suis la première a la verser cette larme.
Aujourd'hui on ne te parle plus diversité, dialogue, échange, oublie, on préfère te parler business, pognon, biatch suck my dick et baston. L'âme du Hip Hop, son idée première a cessé d'exister, on a fait place à la compèt dans ce qu'elle a de plus improductif, à la critique acerbe et stérile de la société avec zéro projet, zéro idée, on préfère copier qu'innover, garder le même beat, le même vocoder jusqu'à l'écoeurement, alors oui c'est sur on maîtrise la technique, on exécute avec brio mais surtout on se paluche sur ses exploits et ses dollars.

Du coup bizarrement quand j'ai entendu hier que Nate Dogg était mort, je me suis dit de toute façon à quoi bon ça fait longtemps que le Hip Hop lui est déjà mort.


RIP Nate Dogg






























Pour finir sur un ton plus léger un petit medley HH (avec The Roots à la musique)


Si tu veux charger ton ipod, Top 100 des meilleurs singles de Hip Hop :
http://www.comlive.net/25-ans-de-hip-hop-top-100-des-meilleurs-singles,40457.htm